Edward surgit comme un diable comme un beau diable dans la salle de Madame King, le professeur de musique, qui allait sortir.
_ Madame ! Je peux utiliser les instruments encore un peu, s'il vous plaît ? Je fermerai et je mettrai la clef dans votre casier en partant comme d'habitude.
_ Encore ? S'étonna la vieille dame bienveillante. Mais tu es déjà venu pendant la pause du déjeuner.
_ Et ça vous ennuie ?
_ Non, reconnut-elle, succombant à son regard suppliant. C'est juste que je n'ai jamais vu quelqu'un de possédé à ce point par la musique. Allez, tiens, prends mes clefs. A demain, Edward.
L'élève tendit la main pour recueillir le trousseau tintant et s'effaça pour laisser sortir son professeur toujours si permissif avec lui.
_ Merci infiniment, Madame King. Bonne soirée à vous.
Quand elle s'en fut aller, il tira le battant de la porte sans le fermer. Il ne supportait pas d'être enfermé dans une pièce pour jouer de la musique. A son avis, la musique devait être libre d'aller là où elle voulait. Aussi pourrait-on l'observer pendant qu'il s'adonnait à sa passion, par l'entrebâillement de la porte.
Edward éteignit la lumière des néons trop fortes à son goût et s'avança directement dans le piano placé en face de la fenêtre. Seule la lumière du jour déclinant éclairerait sa prestation. C'était bien suffisant. Comme hypnotisé, il abandonna son sac à dos au pied du tabouret sur lequel il s'assit et ôta sa veste pour se retrouver en simple chemise blanche. Il remonta les manches sur ses bras couverts de bleus. Peu importait qu'ils soient apparents puisqu'il n'avait aucun spectateur. Il les cacherait si quelqu'un venait à le rejoindre.
Ainsi installé, il ne voyait pas la porte qui se trouvait dans son dos. Seulement l'instrument et la fenêtre qui donnait une sur une petite cour entretenue avec rigueur. Il souleva le couvercle du piano et fit courir ses doigts sur les touches sans appuyer dessus. Juste pour les caresser. C'était comme un rituel. Comme si pendant qu'il faisait ça, il lui demandait permission de l'utiliser.
Edward poussa un soupir de satisfaction et cala ses pieds contre les pédales avant d'entamer un air au hasard. Il n'avait pas de partition et jouait simplement ce qu'il entendait dans sa tête. En fait, il y avait fort à parier que demain il ne se souviendrait plus de cet air... Ses doigts courraient avec une grande légèreté sur ce clavier noir et blanc. La mélodie était profondément mélancolique. Un vrai arrache-coeur. Et alors qu'on croyait avec atteint les sommets de l'émotivité, le jeune homme desserra les lèvres et se mit à chanter.
There is no way, no reason
To be damn as i'm damned
There is no way, no reason
To suffer as i'm suffering
Can't you just listen my sos ?
Can't you just listen my heart ?
I'm lost in hell, I'm lost in hell
All the angels in the sky escaped
An I'm a fallen one
My wings are forever broken
Devil beat me
And blind my eyes with blood
I'm his puppet now
You can't save me from now on
Why didn't you answer to my sos ?
Why didn't you listen to my heart ?
Les paroles venaient avec facilité sans qu'il les ait écrites au préalable. Elle venaient toutes seules au bord de ses lèvres pour s'évanouir dans l'air. La voix d'Edward était un peu cassé, ce qui accentuait la tristesse des mots qui l'étaient déjà bien assez.
Tout concentré qu'il était à parler à son Dieu musicien, il n'avait même pas remarqué qu'il n'était plus seul.